mardi 12 janvier 2016

Ceci est un exercice

Hier, en récupérant Souricette (3 ans 1/2) à l'école, je lui demande, comme tous les jours, ce qu'elle a fait dans la journée.

"Y'a eu un gros bruit, alors on s'est couchés par terre et fallait pas parler. J'ai pris mon nounours pak'il avait un peu peur."

Okayyyy, donc la maternelle a organisé un exercice de confinement, scénario "attaque terroriste", sans prévenir les parents. Cool. Déjà j'avais moyennement apprécié d'apprendre par mes aînées qu'elles avaient dû ramper sous les tables et éviter les fenêtres, quelques temps auparavant, pour le même type d'exercice.

Heureusement Clownette (6 ans 1/2) a bien détendu l'atmosphère dans la voiture, en expliquant à sa petite sœur que c'était "au cas où des touristes viennent à l'école"...

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En rentrant à la maison, j'ouvre le cahier de liaison, et trouve ce mot :



Je passe sur les fautes d'orthographe, les ratures au feutre et l'erreur de date pour le conseil d'école...

Ce qui me met en rogne, c'est qu'on organise ce genre d'exercice sans en avertir préalablement les parents, ni les enfants, qui plus est petits et à l'imagination fertile (j'ai entendu un "grand" expliquer à sa maman qu'il pensait que des monstres attaquaient l'école, bonjour l'angoisse).

Je veux bien entendre la nécessité de l'exercice - et encore, à part pour entraîner les enseignants à gérer la situation, je ne vois pas bien l'intérêt de se coucher par terre en silence : espérer passer inaperçus d'un mec qui débarquerait dans l'école avec une Kalachnikov? ça me ferait bien rigoler si ce n'était pas tragique... Apprendre aux enfants à respecter les consignes de "tout le monde par terre et je butte le premier qui chiale" d'un illuminé qui prendrait la classe en otage? j'ai quelques doutes sur l'efficacité en situation réelle...

Bref, j'ai fait part de mon étonnement mécontent à une représentante des parents d'élèves, sa réponse a été "oui mais ils sont obligés", accompagnée d'un haussement d'épaules fataliste.

Du coup j'ai posté sur Twitter le fameux mot, sans spécialement commenter. J'ai été d'abord soulagée de constater que je n'étais pas la seule à m'indigner du modus operandi ; puis stupéfaite de le voir diffusé et relayé de façon massive. 
J'ai d'ailleurs fini par le supprimer, parce que sa diffusion échappait complètement à mon contrôle et que je voyais fleurir des réactions plus ou moins nauséabondes de comptes "sécuritaires" tendance extrême-droite.

On me dit aussi "oui mais si on prévient qu'il va y avoir un exercice, ça fausse le déroulement" ;  certes, mais au moins on peut peut-être l'évoquer avant, sans forcément divulguer le jour et l'heure, au même titre qu'on sait qu'il peut y avoir des exercices incendie ou des exercices de confinement pour risque chimique #SevesoMonAmour.

Si on doit absolument inculquer la culture de la peur aux petits (et je ne suis pas, mais alors pas DU TOUT, convaincue qu'il faille le faire), ça vaut peut-être le coup de préparer ça un peu mieux, non? 
Aider les mômes à réagir calmement à une situation inattendue, ça peut s'anticiper autrement qu'en leur disant, sans explication, "couchez-vous par terre et ne faites aucun bruit", non?

Je n'ai pas de réponse à ces questions, hein. Mais je m'interroge beaucoup sur la société dans laquelle nos enfants vont grandir. Et je ne suis pas sûre d'avoir envie de la voir ressembler à cet état sécuritaire et anxiogène qui se dessine (un doux euphémisme se cache dans cette phrase, sauras-tu le retrouver?)

 Comme on ne se refait pas, j'ai moi aussi mis un mot dans le cahier :



Le mot est sobre, mais il se peut que j'aie *un peu* corrigé les fautes du texte au passage, et tant pis si la directrice le prend mal... 

[Fallait pas m'énerver hier soir, en plus de cette histoire d'exercice j'ai dû gérer une opération anti-poux de grande ampleur sans l'aide de MrSouristine, retardé de 2 heures par un "accident de personne" sur le Paris-Rouen. Et changer les draps d'un lit superposé PLUS les escaliers les bras pleins de linge PLUS le dîner des fauves, le tout enceinte de 8 mois et 10 jours, ça m'a légèrement gavée... Fin de la #MinuteCaliméro ]

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Cerise sur le gâteau de cette histoire : ce matin j'ai entendu la maîtresse des moyens dire à un père, lui aussi enseignant, "ohlala c'était pénible cet exercice".

Sans. Commentaire.

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Edit

Aujourd'hui, 16 heures, sortie d'école :

" Bonjour Souricette, tu as passé une bonne journée ?
- Oui, y'a pas de gros bruit."

Pas traumatisée, peut-être, mais suffisamment marquée par l'événement, donc. 
En discutant avec des parents, j'ai appris que d'autres enfants plus grands en avaient parlé toute la soirée et exprimé leur crainte que des terroristes ne viennent à l'école. 
Bravo le veau, euh, l'Éducation Nationale...