mardi 20 mars 2012

Mauvaise foi officinale

Visite à domicile, chez une charmante dame de 94 ans, à peu près bon pied bon oeil, nonobstant un "petit" infarctus du myocarde récent, suivi d'un épisode d'arythmie et d'insuffisance cardiaque congestive, qui lui a valu un séjour à l'hôpital ; le cerveau, en revanche, n'a rien perdu de sa vivacité voire de son espièglerie.

Lorsque j'ai fait sa connaissance il y a quelques mois, elle n'avait sur son ordonnance qu'un seul médicament, un antihypertenseur qu'elle ne prenait pas tous les jours "parce qu'elle avait lu la notice et qu'elle se méfiait des effets secondaires". Depuis ses mésaventures cardiologiques, trois nouveaux médicaments ont fleuri sur son ordonnance.
Bien qu'elle n'aime toujours pas les médicaments, elle semble décidée à suivre son traitement, parce qu'elle n'a pas très envie de retourner à l'hôpital, "au milieu de tous ces vieux grabataires".

J'y allais pour la première fois depuis sa sortie de moyen séjour, pour renouveler l'ordonnance. Trandolapril, warfarine, bisoprolol, furosémide. Logique et sans fioritures.
Et là, que vois-je? Un ajout manuscrit lors du passage à la pharmacie, à côté de la ligne "warfarine", comme lors des substitutions par un générique. Sauf que l'amiodarone (anti arythmique) est tout sauf le générique de la warfarine (anticoagulant)... Un peu scotchée, je retourne l'ordonnance, et la liste imprimée me confirme que l'amiodarone remplace la warfarine de ce côté-là aussi. Gloups.
Par un miracle inexpliqué, c'est pourtant le bon médicament qui a été délivré à la patiente. Tout est bien qui finit bien ; fin des sueurs froides.

Je décide quand même d'appeler la pharmacie, histoire de signaler la boulette.  On me passe la pharmacienne, j'explique le problème :
"Ah mais c'est pas chez nous!
- Vous n'êtes pas la pharmacie Untel?
- Si-si, mais... C'est quoi le nom de la patiente déjà?
- Mme VieilleDame, Colette.
- Ah oui, mais on lui a délivré de la warfarine.
- Oui, et heureusement, mais vous comprenez qu'en voyant l'ordonnance je me suis inquiétée, donc je voulais vous le signaler.
- ... Mais j'étais absente ce jour-là, c'était mon assistante. Peut-être qu'elle a confondu Coumadine* et Cordarone* ? [noms commerciaux des médicaments concernés]
- Ce serait étonnant, ce n'est pas une ordonnance manuscrite.
- Ah... (gros blanc) Bon ben je lui dirai, hein."

Donc, chère madame Pharmacienne, l'excuse "c'est pas moi c'est la stagiaire/l'assistante", on me l'a déjà faite. Le jour où un patient s'est endormi au volant après avoir pris 6 comprimés de tétrazépam par jour, parce que "la stagiaire" avait confondu Miorel* et Myolastan*. Heureusement les dégâts se sont limités à de la tôle froissée.
Mais je trouve ça un peu léger, de se défausser sur les autres.



PS : juste pour que ce soit clair ;) je ne cherche pas à déclencher une bataille rangée médecins/pharmaciens. Je côtoie sur Twitter des pharmaciens dont je ne mets pas en doute la compétence, et je connais des médecins à fuir. 
Il m'arrive certainement aussi de faire des erreurs, et je ne demande pas mieux que d'avoir des retours sur mes "boulettes". Pour pouvoir progresser.

2 commentaires:

  1. C'est tellement sympa cette sensation du "gloups", avec la frayeur plus ou moins rétrospective de tout ce qui aurait pu se passer, en lisant une ordonnance ou un courrier... Ça fait un moment que ça ne m'est pas arrivé, mais bizarrement ça ne me manque pas! Finalement mon pharmacien qui s'amuse à délivrer une boite de 14 somnifères à pleine dose quand je prescris bien une boite de 7 à demi dose, sans prévenir évidemment, c'est un petit joueur.

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  2. C'est terrible cette réaction devant une erreur signalée de se défendre directement comme devant une accusation. C'est peut être humain. Mais je me dis que notre passage par l'école où l'évaluation est toujours une classification "bien vs pas bien" nous marque durablement et que c'est pas près de changer...

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